Peintures

La Mort de Virginie

Michel Ier CORNEILLE (v. 1603-1664)

Vers 1645
Huile sur toile
Traces de signature en bas à gauche M Cor […]
H. 190 cm x L. 117 cm
Inv. 2022.10.1

Michel Ier Corneille, La Mort de Virginie, vers 1645, huile sur toile, H. 190 x L. 117 cm, Département des Hauts-de-Seine, musée du Grand Siècle, inv. 2022.10.1 © CD92 / Julien Garraud

La provenance de cette peinture est inconnue jusqu’à la collection de l’architecte Henry Guédy, quand la toile fut marouflée dans l’hôtel particulier construit par et pour lui-même, rue Pierre Curie, à Paris, en 1912.

La redécouverte d’un chef-d’œuvre

La Mission de préfiguration du musée du Grand Siècle, dans le cadre de sa politique d’enrichissement des collections, a acquis, à l’issue d’une vente chez Sotheby’s Paris, en juin 2022, une grande toile intitulée La Mort de Virginie du peintre Michel Ier Corneille, appelé aussi Michel Corneille le père, ou l’Ancien. Cette huile sur toile n’avait jamais été publiée et était restée cachée depuis plus d’un siècle.

La restauration fondamentale de l’œuvre a été confiée avant la vente, par la Maison Sotheby’s, à Hélène de Ségogne, conservatrice-restauratrice des peintures et au rentoileur Alain Bouchardon. Conservée au sein d’un hôtel particulier parisien de six étages, rue Pierre Curie (Ve arrondissement), construit en 1912 par l’architecte Henry Guédy, la peinture avait été rentoilée à la colle de pâte et marouflée, à même le mur, des baguettes cloutées sur la toile masquant la périphérie.
L’opération de dépose a nécessité alors une intervention à la spatule, par petites zones, afin d’éviter d’arracher ou de déchirer les toiles fragilisées par l’oxydation des fibres. La dépose effectuée, la peinture a été roulée face vers l’extérieur sur un cylindre. Il a été constaté que la toile d’origine était composée de deux lés assemblés par une couture horizontale située à mi-hauteur et que la préparation était rouge. Le nettoyage de la couche picturale a surtout permis de révéler les traces de signature de l’artiste, lesquelles avaient été obscurcies par l’encrassement et l’oxydation du vernis.

La composition et le format tout en verticalité invitent à penser qu’il s’agit d’un travail décoratif destiné à orner un espace intérieur prestigieux, peut-être en dessus de cheminée. La réattribution de La Mort de Virginie s’inscrit dans les évolutions de l’historiographie et dans le développement des études sur la peinture du XVIIe siècle français, terrain stimulant de la recherche en histoire de l’art.
La réhabilitation de Michel Ier Corneille depuis les années 1990 correspond également au long travail de reconstitution de l’atelier de Simon Vouet (1590-1649). Le départ de ce dernier de Rome pour revenir à Paris en 1627 reste un tournant majeur dont Michel Ier Corneille a bénéficié, à l’instar de tant d’autres artistes : Thomas Blanchet, Eustache Le Sueur, le frère Luc, le frère Joseph, Louis Beaurepère, Nicolas Chaperon, Charles Poërson, Pierre Mignard, Michel Dorigny, François Tortebat, Charles Le Brun, Nicolas Pérelle et bien d’autres. Corneille rejoint l’atelier du maître en 1635.

Les anciens biographes ont jugé que Vouet voulait se rapprocher de cet élève dévoué en lui accordant la main de Marguerite Grégoire, fille de sa sœur cadette, Marie Vouet. A travers les imbrications entre sa vie d’atelier et sa vie familiale, Corneille est au cœur du clan Vouet. Ces liens se manifestent également de façon stylistique.
Les nombreux dessins de Michel Ier Corneille et de ses fils dans le fonds des dessins de l’atelier de Vouet lequel est conservé à la Staatsbibliothek de Munich confirment cette filiation artistique.

Fig. 1: Michel Ier Corneille, Étude pour Virginie, pierre noire et rehauts de blanc sur papier, H. 19 x L. 34,2 cm, Los Angeles, Los Angeles County Museum of Art, M.85.304.2 © / LACMA

Deux dessins préparatoires rattachés à La Mort de Virginie, et longtemps attribués à la main de Vouet, illustrent cette parenté esthétique. Il s’agit d’abord d’une saisissante étude à la pierre noire et rehauts de blanc, avec mise au carreau, pour la figure de Virginie, conservée au Los Angeles County Museum of Art (LACMA) (fig. 1). Les modalités du dessin vouetesque y sont particulièrement manifestes, notamment les formes du visage et du nez, très proches de celles de la Lucrèce de Vouet (1618-1622, Potsdam, Schoss Sanssouci, Allemagne). La seconde, Tête d’homme barbu, conservée à la Staatsbibliothek de Munich, (fig. 2), peut être mise en relation avec la tête du licteur, malgré des différences avec la peinture.