Arts graphiques

Deux études de têtes d’homme de profil tournées vers la gauche

Jean DARET (1614 –1668)

1647
Sanguine sur deux feuilles de papier contrecollées sur une plus grande feuille
Inscription sur le montage réalisé par Eugène Ducrey : « J. Daret » et numéro à sec : « 14 »
H. 24,2 x L. 12,1 cm
7958

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Jean Daret, Deux études de têtes d’homme de profil tournées vers la gauche, 1647, sanguine sur deux feuilles de papier contrecollées sur une plus grande feuille, H. 24,2 x L. 12,1 cm, Département des Hauts-de-Seine, donation Pierre Rosenberg, musée du Grand Siècle, 7958 © CD 92 / MGS

Le musée Granet a organisé la première exposition entièrement consacrée à Jean Daret en 2024. Le public y a découvert une centaine d’œuvres du peintre (huiles sur toile, dessins, gravures), accompagnées d’œuvres de maîtres du Grand Siècle tant parisiens que provençaux.

Le musée du Grand Siècle a prêté six dessins préparatoires, issus de la donation de Pierre Rosenberg. L’exposition était accompagnée d’un parcours « Hors les murs » permettant de découvrir les œuvres du peintre in situ, dans les églises de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et notamment le tableau conservé à Pignans que prépare le dessin auquel est consacré cette notice.

Jean Daret, un peintre longtemps oublié

Une clientèle prestigieuse et de nombreuses œuvres encore conservées, dans des endroits ouverts au public tels que les églises provençales, sont autant de conditions qui auraient pu assurer la postérité de Jean Daret. Il demeure pourtant encore largement inconnu du grand public, comme l’ont longtemps été de nombreux artistes du Grand Siècle.

Né à Bruxelles en 1614, Jean Daret fait son apprentissage auprès du peintre flamand Antoine von Opstal dès l’âge de onze ans. Comme la plupart des artistes de son temps, il séjourne ensuite en Italie pour parfaire sa formation au contact des œuvres des maîtres italiens anciens et contemporains, notamment la peinture de Guerchin, dont il admire les contrastes colorésVers 1637, Jean Daret s’établit à Aix-en-Provence où il est vite repéré par l’élite locale comme un peintre de talent, grâce à ses compositions vives et expressives, mais aussi empreintes de douceur. Les genres dans lesquels il saura s’illustrer sont multiples et lui permettent de répondre à un grand nombre de commandes : peinture religieuse, grands décors, mythologie, portraits, scènes de genre…

Pour répondre à la demande, Jean Daret avait créé un atelier important, dans lequel il avait de nombreux apprentis, parmi lesquels ses deux fils, Jean-Baptiste et Michel, qui devinrent également peintres.

Fig 1 : Jean Daret, Assomption, 1647, huile sur toile, H. 320 x L. 266 cm, Collégiale actuellement église de la Nativité de Marie, Pignans, Var © CICRP, Émilie Hubert Joly

Lors d’un passage en Provence, le roi Louis XIV avait été impressionné par le mur peint en trompe-l’œil et la décoration du plafond de l’escalier de l’hôtel de Châteaurenard à Aix-en-Provence (encore visible aujourd’hui) de Jean Daret. L’artiste séjourna à Paris entre 1660 et 1663, probablement sur invitation du Roi. Il aurait alors participé au décor du château de Vincennes (perdu), et se vit agréé à l’Académie royale de Peinture et de Sculpture comme portraitiste. Il rentre à Aix en 1664 et s’éteint quatre ans plus tard.

Dès le XVIIIe siècle, des listes de ses œuvres sont rédigées permettant de ne pas en perdre le souvenir mais sans davantage d’informations. C’est le marquis Philippe de Chennevières (1820-1899), historien du XIXe siècle, qui entame la redécouverte du peintre en 1847 quand il lui consacre un chapitre dans ses Recherches sur la vie et les ouvrages de quelques peintres provinciaux de l’Ancienne France. Également grand collectionneur de dessins, le marquis publie quelques dessins de Daret et à sa mort en 1899, on en dénombre vingt-sept dans sa vente après décès. Trois des dessins prêtés par le musée du Grand Siècle sont issus de sa collection dont Deux études de têtes d’homme de profil tournées vers la gauche (fig. 3 et 5).

Fig. 2 : Jean Daret, Étude pour une femme nue, le buste renversé en arrière, vers 1640-1650, pierre noire sur papier, H. 21,6 x L. 15,8 cm, Département des Hauts-de-Seine, donation Pierre Rosenberg, musée du Grand Siècle, 7957 © CD92 / MGS

Au cours du XXe siècle, Jean Daret fait l’objet de plusieurs publications (N. Coste, G. Isarlo, J. Boyer, F. Carlier) qui entretiennent sa mémoire au sein du monde de l’histoire de l’art.

En 1978, Pierre Rosenberg permet au grand public de redécouvrir cet artiste important du Grand Siècle en lui consacrant une biographie et quelques notices dans une exposition organisée à Marseille sur la peinture en Provence au XVIIe siècle.

Depuis, les recherches menées sur Daret par Jane MacAvock dans le cadre de sa thèse ont permis de redonner corps à cet artiste et ont servi de base à l’importante rétrospective présentée au musée Granet à partir du 15 juin.

Un dessin préparatoire

De nombreux dessins de Jean Daret sont connus et témoignent de son processus de création. Utilisant tantôt la pierre noire, tantôt la sanguine ou parfois même le lavis, Jean Daret prépare les figures de ses tableaux en les dessinant individuellement sur le papier.

La feuille qui nous intéresse se rapporte à la tête de l’un des apôtres, vêtu d’un drapé rouge et agenouillé au premier plan à droite, de l’Assomption de la Vierge.

L’artiste a peint ce tableau en 1647 pour le maître-autel de la Collégiale de l’Assomption à Pignans (Var) (toujours conservée sur place). Il s’agit de l’une de ses dernières œuvres et de l’une des plus magistrales. On connait au moins six dessins préparatoires pour ce tableau, dont cette feuille.

Fig. 3 : Jean Daret, Sainte debout tenant un bénitier et un goupillon, pierre noire sur papier, H 26,2 x L. 17,8 cm, Département des Hauts-de-Seine, donation Pierre Rosenberg, musée du Grand Siècle, 7765 © CD92 / MGS

Le dessin montre que l’artiste a semblé hésiter sur l’expression à donner à son personnage. Si la tête en partie supérieure n’exprime que l’étonnement, la deuxième version en partie inférieure, plus travaillée, affiche cette fois-ci une expression de surprise mêlée d’admiration, de fascination. Jean Daret maîtrise l’art du dessin, déterminant les contours de son personnage d’un seul trait précis, multipliant les coups de crayons que pour figurer les ombres.

Parfois, l’artiste dessine sur une même feuille plusieurs parties d’un même personnage pour travailler certains détails, comme c’est le cas sur deux des dessins prêtés par le musée pour l’exposition (Fig. 3 et 4).

Fig. 4 : Jean Daret, Étude pour une figure plafonnante, sanguine sur papier, H. 26,5 x L. 15 cm, Département des Hauts-de-Seine, donation Pierre Rosenberg, musée du Grand Siècle, 8144 © CD92 / MGS

Ainsi, l’exposition d’Aix-en-Provence permet de redonner corps à un artiste talentueux du Grand Siècle, trop longtemps oublié, et donne au musée du Grand Siècle l’occasion de présenter un aperçu de quelques dessins sur les 3 500 issus de la donation Rosenberg qui font partie du cabinet d’arts graphiques du musée du Grand Siècle. 

  • Commissaire général : Bruno Ely, conservateur en chef, directeur du musée Granet.
  • Commissaire scientifique : Jane MacAvock, spécialiste de l’œuvre de Jean Daret.
  • Commissaire exécutif : Pamela Grimaud, conservatrice du patrimoine, responsable du pôle recherche et conservation au musée Granet.
  • Commissaire associé : Pierrick Rodriguez, conservateur des Monuments Historiques à la DRAC CRMH.