Cabinet d'ébène

Atelier parisien
Ebène et bois noirci, marqueterie de bois de rapport, ivoire et corne teintée 
France, vers 1635, vers 1635 (piétement postérieur)
H. 189,5 cm ; l. 169 cm ; p. 59 cm

Notice interactive l'oeuvre

Notice détaillée

Un cabinet en ébène restauré

En novembre 2020, l’Etat a exercé son droit de préemption lors d’une vente publique, au bénéfice du Conseil départemental et à destination des collections du musée du Grand Siècle. Ce cabinet en ébène, datable vers 1635, a été le premier meuble d’importance à rejoindre les collections. Sa restauration vient de s’achever et il rejoindra bientôt le petit château de Sceaux pour l’inauguration de l’espace de préfiguration du musée du Grand Siècle qui ouvrira ses portes le 2 décembre 2022.

Les origines du cabinet

A l’origine, le terme cabinet désigne une petite pièce d’étude. Le terme apparaît dans le début du XVIe siècle, peut-être sous le règne de François Ier. Avant, on sait que le roi Charles V disposait, dans ses appartements du Louvre, d’une pièce de retrait, ainsi que d’une pièce d’étude. A partir du XVIe siècle, ce terme est également utilisé, par extension, pour désigner un meuble dans lequel on conserve des papiers. Dans cette autre acception, il est identifié pour la première dans un inventaire dressé pour François Ier en 1528.

Le cabinet, d’abord de petite taille, est un coffre à tiroirs, venu d’Espagne et d’Italie. Déjà au XVe la ville de Florence est réputée pour la perfection de ses scrittori, meubles à écrire portatifs. Pendant le XVIe siècle, la fabrication se développe dans les pays germaniques, très influencés par l’Italie, notamment à Augsbourg et Nuremberg dont la production rencontre un grand succès dans toute l’Europe et notamment en France. Progressivement, le cabinet perd sa fonction de meuble à écrire et les multiples tiroirs sont destinés à recevoir des objets, souvent précieux. Dans les intérieurs de la Renaissance, il remplace progressivement le dressoir, meuble emblématique des appartements aristocratiques du Moyen Age.

L’invention de l’ébénisterie

Au XVIe siècle, l’ébène est surtout utilisée sur des meubles de petite taille, souvent combinée avec d’autres matières précieuses, notamment l’ivoire. Au tournant du XVIIe, le commerce de l’ébène se développe, généralement en provenance de Madagascar et de l’île Maurice.

A Paris, sous le règne d’Henri IV, le pouvoir royal met en place une politique visant à limiter la fuite des devises et l’importation de biens manufacturés en favorisant l’installation d’artisans venus de l’étranger. Les menuisiers venus des pays germaniques ou de Flandres importent un savoir-faire presque inconnu en France. L’ébène bois très dense, qui ne peut être utilisé de manière massive et doit être débité en fins panneaux, plaqués sur une âme de bois massif. C’est en raison de ce savoir-faire étranger que les cabinets en ébène, y compris les modèles parisiens comme celui-ci, produits entre 1630 et 1650, sont parfois appelés dans les documents d’archives « cabinet façon d’Allemagne ». D’abord qualifiés de menuisiers en ébène, ces artisans du bois seront bientôt appelés ébénistes, terme qui restera attaché à la technique du placage du bois bien après que l’ébène soit passé de mode.

Un meuble d’apparat

En Italie le cabinet est lié à la vogue des studioli, qui se développent dans le contexte de la Renaissance du XVe siècle. Ces pièces d’étude, qui regroupent des collections d’objets rares et précieux, se veulent une évocation de la Création. Représentation du monde du monde connu, ils regroupent des naturalia (produits de la nature) et des artificialia (créations humaines), leur influence est considérable sur le développement dans toute l’Europe des cabinets de curiosité, et du cabinet en tant que meuble. Pièce de prestige à la réalisation coûteuse, destiné à conserver des objets tout aussi rares et coûteux que les matériaux utilisés pour sa réalisation, le cabinet reste à l’avant-garde des innovations.

Toutes les techniques sont utilisées pour l’embellir. Le cabinet dit parisien, devenu emblématique de la production de la première moitié du XVIIe en général et du « style Louis XIII » en particulier, se définit par sa grande taille, souvent autour de deux mètres de haut et plus d’un mètre cinquante de large. Il est généralement posé sur un piétement assorti (le nôtre est postérieur). Il est doté de deux grands vantaux et s’ouvre sur de multiples tiroirs, qui encadrent deux autres ventaux plus petits. Ceux-ci dévoilent une petite niche centrale traitée comme un théâtre en perspective. Souvent composé de multiples matériaux, richement coloré, il contraste par son éclat avec l’austère dignité du reste du meuble.

Iconographie

L’une des particularités du cabinet en ébène est la possibilité qu’il offre de présenter de nombreuses scènes sculptées ou gravées. Les ateliers s’inspiraient plus ou moins librement de gravures aux origines variées qui circulaient en abondance dans le Paris du XVIIe siècle. Cette diversité de sources et les libertés que les artistes prennent avec leurs modèles explique qu’il est parfois difficile d’identifier précisément l’origine des motifs, même si certains livres à succès, comme les Figures de la Sainte Bible, peuvent être mentionnés.   

L’iconographie peut être mythologique ou religieuse comme pour le cabinet du musée du Grand Siècle. Sur les vantaux extérieurs, les deux scènes principales représentent Judith et Holopherne, et Suzanne et les vieillards, deux héroïnes de la Bible incarnant pour l’une le combat contre l’hérésie et pour l’autre la chasteté.   

A l’intérieur de ces vantaux sont gravées les scènes de la Fuite en Egypte et l’Adoration des bergers, tandis que sur les petits vantaux intérieurs on reconnaît les représentations allégoriques de la Force et de la Tempérance.  

Les tiroirs de la corniche sont sculptés en relief de tritons et d’animaux marins, ceux de la ceinture du piétement de putti jouant avec des chèvres. Les tiroirs intérieurs sont quant à eux gravés en méplat de motifs de rinceaux végétaux stylisés.

La restauration du patrimoine

Le cabinet en ébène a fait l’objet d’une restauration entre mars et septembre 2022. 

Le bois est un matériau organique. Même transformé en meuble, il reste vivant et sensible à son environnement. Il est hygroscopique, c’est-à-dire qu’il absorbe ou rejette l’humidité de l’air. Il est donc très sensible aux variations de cette humidité, qui provoquent son gonflement ou sa rétractation. 

Après plusieurs siècles de vie, le cabinet présentait un état hétérogène, avec de nombreuses déformations des panneaux liées aux mouvements du bois sous l’effet des variations du climat. Ces déformations ont été la cause de décollements et de l’apparition de nombreuses fentes Les restaurateurs, spécialisés dans le traitement du mobilier, ont pris soin de déposer les panneaux qui se décollaient pour bien les replacer. Seules les fentes les plus larges, peu esthétiques et fragilisant le meuble ont été comblées. Les fentes moins importantes ont été conservées, car, dans la mesure où elles ne gênent ni la compréhension de l’œuvre ni sa bonne conservation, elles témoignent de cette vie de l’œuvre et de ses matériaux. L’enjeu dans ce type d’opération n’est en effet pas de revenir à un état neuf du meuble, mais d’assurer sa bonne conservation tout en respectant au maximum son histoire.

Les étapes d’une redécouverte

Les cabinets en ébène passent de mode rapidement après 1660. Dans la première moitié du XIXe, l’ébène et le bois noirci reviennent en vogue et les anciens meubles, jusqu’ici remisés, suscitent un regain d’intérêt après 1827 et la montée en puissance du goût pour la Renaissance, notion vague qui englobe facilement le début du XVIIe siècle.

A côté du mobilier créé en ébène ou bois noirci, les collectionneurs commencent à s’intéresser aux cabinets en ébène anciens. Ainsi en 1843, la collection d’Alexandre du Sommerard, qui fut vendue à l’Etat à sa mort, comptait plusieurs dizaines de cabinets et panneaux d’ébène provenant de meubles démembrés. 

Une inscription manuscrite

La restauration a permis de découvrir sous le sol du petit théâtre intérieur de notre cabinet une inscription manuscrite qui indique « réparé dans le mois de juin 1835 par Jules Le Foll de Fécamp ». On ignore comment ce cabinet est arrivé en Normandie et qui le possédait au moment de cette réparation, qui intervient en pleine période de ce renouveau du goût pour les cabinets en ébène. 

Le cabinet a ensuite appartenu à Louis Passy (1830-1913), homme politique installé à Gisors et ami des frères Goncourt. Historien diplômé de l’Ecole des chartes, il s’intéresse au XVIIe siècle, travaillant notamment sur Thomas Corneille, frère de Pierre Corneille, et sur Madame de Sévigné.

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