Michel Mollart (vers 1641-1713)Allégorie de la naissance de Louis XIVMédailleBronze partiellement doréEntre 1695 et 1710D. 7 cmInv. 2023.29.1
Michel Mollart (vers 1641-1713), Allégorie de la naissance de Louis XIV, 1695-1710, bronze partiellement doré, D. 7 cm. Département des Hauts-de-Seine, musée du Grand Siècle, inv. 2023.29.1 © CD92 / Willy Labre
Cette médaille en bronze, signée au revers par Michel Mollart, célèbre la naissance de Louis XIV et illustre l’apogée de l’art métallique au Grand Siècle.
Michel Mollart naît à Dieppe vers 1641. Très connu de son vivant, peu d’éléments subsistent pourtant sur sa vie. Au début des années 1670, Mollart est actif comme sculpteur à Anvers, dans les Pays-Bas espagnols où il signe ses productions du nom de « Mostaert ». Il répond à des commandes particulières, notament des statues en ivoire destinées à la dévotion privée, comme une Vierge Marie datée de 1671, qui reprend une iconographie typique de la Réforme catholique (Londres, Victoria and Albert Museum).
En 1677, sa carrière prend un nouvel essor. Michel Mollart et Jean Mauger (1648-1712), également dieppois, sont appelés à Paris par Louvois (1641-1691). Comme plusieurs médailleurs travaillant pour le souverain, Michel Mollart est logé aux Galeries du Louvre à partir de 1683 et rémunéré par la Monnaie de Paris, qui supervise la production matérielle des médailles. Celles-ci sont frappées en bronze, en alliage cuivreux, en argent ou en or. Elles reprennent des portraits et des scènes qui célèbrent la monarchie française. Mollart ne fabrique pas directement les médailles : il grave les coins, c’est-à-dire les matrices métalliques en creux qui permettent d’imprimer les motifs sur le métal. Ces coins sont réalisés d’après les modèles imposés par l’administration des Médailles du Roi, sous la direction du graveur général François Warin (1644-1705). Le programme iconographique est défini par Colbert et les artistes du roi.
Académie des Inscriptions, Médailles sur les principaux événements du règne de Louis le Grand, deux médailles de « La naissance du Roy », 1723, troisième édition, livre imprimé et relié, H. 44,7 x L. 32. x P. 8 cm.Département des Hauts-de-Seine, musée du Grand Siècle, inv. 2024.11.1© CD92 /Labre Willy
L’apogée de la carrière de Mollart a lieu dans les années 1690. De 1691 à 1697, Louis XIV, passionné de numismatique, charge l’Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres de la préparation d’un ouvrage qui célébrerait son règne, exclusivement raconté par des médailles. Leur utilisation est une manière pour le Roi-Soleil de se référer à la gloire des empereurs romains, dont les effigies étaient gravées sur les monnaies antiques. Pour concrétiser son ambition, Louis XIV charge Michel Mollart et Jean Mauger d’exécuter les modèles d’un ensemble de trois cents médailles. Leur travail donne lieu à la parution en 1702 d’un ouvrage intitulé Médailles sur les principaux événements du règne de Louis le Grand. Les trois cents médailles, gravées par Charles-Louis Simmoneau (1645-1728), mettent en scène les grands événements du règne du Roi-Soleil et exaltent ses victoires militaires et sa piété. L’ouvrage plaît tant au souverain que Mollart obtient le privilège inédit d’en conserver un exemplaire personnel.
Michel Mollart regagne sa ville natale à l’issue de cette commande. Il y exécute plusieurs statues et reste connu à Dieppe pour deux Christ en bronze, aujourd’hui disparus. Son tempérament affirmé marque aussi les esprits : mécontent de n’avoir pas reçu la totalité des 2 000 livres qu’il réclamait, il va jusqu’à briser l’un de ces Christ destinés à être offerts en présent à la municipalité. Michel Mollart s’éteint le 18 octobre 1713.
L’œuvre commémore un thème fréquent chez les médailleurs du règne de Louis XIV : la naissance du roi. Michel Mollart en propose une version dérivée de celle publiée en tête de l’ouvrage de 1702. À la même période, Jean Mauger exécute une version presque identique (Paris, musée du Louvre).
Jean Mauger (1648-1712), La naissance de Louis XIV – Le lever du soleil français, frappe du XIXe siècle, bronze, D. 4,12 cm. Paris, musée du Louvre, Département des Objets d’art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes, inv. OAP 1065 © 2002 Musée du Louvre / Département des Objets d’art
L’iconographie allégorique, inspirée par la mythologie antique, célèbre le triomphe et la continuité de la dynastie des Bourbons. Sur l’avers, Mollart grave le profil de Louis XIII, tourné vers la droite, en Hercule drapé de la peau du lion de Némée. Depuis François Ier, les rois de France se comparent volontiers à Hercule. L’inscription latine « LUDIVICUS XIII. FR. ET NAV. REX. » (« Louis XIII, Roi de France et de Navarre ») reprend la titulature des médailles de Louis XIII. Elle reste utilisée pour Louis XIV jusqu’en 1672, avant l’adoption de la formule « LVDOVICUS MAGNVS REX CHRISTIANISSIMVS » (« Louis le Grand Roi très chrétien »). Au revers, le Dauphin apparaît dans le char du Soleil, tiré par quatre chevaux et guidé par la Victoire. D’une main, elle lui présente une couronne de laurier, symbole des victoires promises à la France ; de l’autre, elle tient les guides des chevaux pour lui assurer sa conduite. À l’arrière-plan figurent les signes du zodiaque et les sept planètes, disposés comme ils l’étaient le jour de la naissance du futur roi.
Le travail de Mollart est marqué par un souci de fidélité aux traits de Louis XIII. Sur la médaille conservée par le musée du Grand Siècle, l’effigie semble inspirée par les portraits contemporains du père de Louis XIV, par exemple Louis XIII couronné par la Victoire de Philippe de Champaigne (1602-1673) (Paris, musée du Louvre). Son style se distingue par une élégance graphique et un trait décoratif, attentif aux contours et à la souplesse de la chevelure. Le contraste entre l’éclat doré des figures et le fond brun patiné accentue le caractère ornemental de la médaille. Moins sculptural que celui de Mauger, le style de Mollart privilégie la sobriété et une typographie simple, au détriment du relief et du modelé.
Jean Warin (1607–1672), Médaille : Anne d’Autriche et Louis XIV enfant / Le Val de Grâce, 1645, bronze, D. 9,4 cm. Paris, musée du Louvre, Département des Objets d’art, inv. OA 792, Paris © 2008 Musée du Louvre, Dist. GrandPalaisRmn / Martine Beck-Coppola
Au cours de sa carrière, Michel Mollart grave plusieurs autres médailles consacrées à la naissance du Roi-Soleil, mais avec une iconographie plus sobre. L’une d’elles, La naissance de Louis XIV : inauguration du Val-de-Grâce (Paris, musée Carnavalet), reprend à l’avers le profil de Louis XIII drapé de la peau du lion de Némée. Le revers montre l’élévation du dôme de l’abbaye du Val-de-Grâce, inspirée d’une médaille de Jean Warin datée de 1645, célébrant le vœu d’Anne d’Autriche pour la naissance de son fils. Ce motif met en avant la piété de la reine, qui avait promis de rebâtir l’abbaye si elle donnait naissance à un héritier.
La renommée de Michel Mollart est étroitement liée à celle que connaît l’art métallique, en particulier la médaille, durant le XVIIe siècle. Si la médaille s’impose dès la Renaissance italienne comme un instrument de glorification des monarques, elle connaît un développement considérable sous le règne de Louis XIV.
Jean Warin (1607-1672), graveur général des monnaies à partir de 1647, perfectionne la frappe au balancier, qu’il applique aux monnaies comme aux médailles. Ce procédé assure une production plus régulière, des reliefs plus nets et une meilleure homogénéité d’une pièce à l’autre. Cette innovation technique sert pleinement la politique de la monarchie. Inspirée par les monnaies antiques, l’Académie des Inscriptions considère les médailles comme les supports les plus durables et les plus efficaces pour diffuser, au sein des élites, l’histoire officielle du roi. Grâce à la réputation du travail réalisés par de personnalités comme François Chéron, le pouvoir délaisse les artistes italiens jusqu’alors prisés et valorise le foyer parisien dans lequel s’inscrit Mollart.
Claude-François Ménestrier (1631-1705), Histoire du règne de Louis le Grand par les médailles, emblèmes, devises, jetons, inscriptions, armoiries et autres monumens publics recueillis et expliqués, détails « Louis le Grand devant Namur » et « Médailles des princes de la maison royale », 1693 (seconde édition), reliure en veau d’époque, H.38 x L.27 x P.4,2 cm. Département des Hauts-de-Seine, musée du Grand Siècle, inv. 2022.22.2 © CD92 /Prévet Alain
D’abord secondaire, la production de médailles prend de l’importance à partir de la publication, en 1689, de L’Histoire du règne de Louis le Grand par les médailles, emblèmes, devises, jetons, inscriptions, armoiries et autres monumens publics recueillis et expliqués du jésuite lyonnais Claude-François Ménestrier (1631-1705). Ce livre réunit 61 gravures de monuments élevés à la gloire de Louis XIV et fait l’objet de rééditions controversées dans les pays ennemis de la France. À Amsterdam, en 1691, il paraît enrichi de planches satiriques visant directement la figure du Roi. Ces polémiques poussent Versailles à réagir. La publication de l’ouvrage de l’Académie des Inscriptions en 1702 déclenche une véritable « guerre d’images ». Les collections de médailles deviennent alors un champ d’affrontement symbolique entre souverains qui publient à leur tour leurs propres « médailliers ». L’« Histoire métallique », à laquelle Michel Mollart apporte sa contribution, marque l’apogée de cet art. Dans un contexte de tensions diplomatiques, elle joue un rôle essentiel dans la célébration des hauts faits du Roi-Soleil.
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