Attribué à Antoine Le Nain (1588-1648)
Les Enfants à leur ouvrage
Huile sur toile, vers 1630-1640
35 x 47 cm
Numéro d’inventaire : 2021.7.1

Ce tableau de petit format s’apparente aux œuvres attribuées à Antoine Le Nain (1588-1648). Originaire de Laon, Celui-ci est reçu en 1629 comme maître peintre au faubourg Saint-Germain-des-Prés. Sa maîtrise lui permet d’ouvrir un atelier, qu’il partage avec ses frères Louis et Mathieu. Portraitiste et miniaturiste, Antoine Le Nain est également reconnu pour ses scènes de genre rustiques. Il est admis avec ses frères à l’Académie royale de peinture et de sculpture le 1er mars 1648 lors de sa première assemblée.
Une scène de genre intimiste
Dans une pièce aux murs imperceptibles, cinq personnages s’agitent en silence. Réunis autour d’une table en bois, des enfants sont concentrés à diverses tâches. Le dos courbé, une jeune fille brode assise sur une chaise basse, à côté d’une corbeille remplie d’écheveaux colorés. Les coudes adossés sur la haute table, un garçonnet semble écrire à la plume. Ses jambes croisées touchent à peine le sol. À ses côtés, une fillette se tient debout, les mains jointes. À l’arrière-plan, près d’une cheminée, une jeune femme caresse un chien allongé sur ses genoux. Le sujet de cette œuvre s’inscrit dans la tradition de la scène de genre, chère aux Le Nain. Cette composition intimiste invite le spectateur à contempler un instant précis et simple de la vie quotidienne, centré sur des activités domestiques.
Une huile sur toile attribuée à Antoine Le Nain
Le tableau fait écho aux œuvres du corpus d’Antoine Le Nain. La composition présente une structure typique de l’artiste. Disposés en frise, des personnages sont engagés dans des actions quand d’autres ont une attitude plus contemplative. Les figures sont tournées de trois-quarts, leurs corps encadrent la scène. Ce type de composition se retrouve par exemple dans la Famille de paysan, huile sur toile datée de 1642 (Petworth, Petworth House and Park). Les deux fillettes de droite, en particulier, forment un groupe similaire à celui des deux enfants les plus à droite des Enfants à leur ouvrage. Le coloris sobre est également caractéristique d’Antoine Le Nain. La dominante est ocre avec des nuances de rose et de gris. Des touches de rouge équilibrent la composition.


La place prépondérante accordée aux enfants est courante dans l’œuvre d’Antoine Le Nain, en cela marqué par les artistes hollandais et flamands. Le peintre s’affranchit toutefois du modèle nordique en peignant des enfants aux expressions retenues, appelant le spectateur à la contemplation.
La société mise en scène
Bien que les frères Le Nain soient associés aux scènes de genre paysannes, leurs œuvres relèvent bien davantage d’une mise en scène idéalisée que d’une peinture fidèle de la société. Contrairement aux enfants de la Famille de paysans, les personnages du tableau du musée du Grand Siècle sont vêtus d’habits renvoyant aux couches supérieures de la société. Les chaussures que porte le jeune garçon écrivant ou encore le bichon, chien des classes aisées, ne peuvent renvoyer au monde paysan. Malgré ces détails, l’espace reste dépouillé. La lumière tamisée et les attitudes silencieuses concentre davantage l’attention sur le travail que sur la représentation d’une classe sociale particulière.
Le vêtement est aussi marqueur de l’âge. Avant sept ans, les enfants, garçons et filles, portent une longue robe à lisière, comme celle de l’enfant placé à la droite du tableau. Ils endossent ensuite des vêtements calqués sur ceux des adultes de leur sexe.
Une ode au travail ?
Les Enfants à leur ouvrage sont absorbés par leurs activités. La petite brodeuse s’est engagée dans une tâche fastidieuse. Discipline, patience et précision sont de mise pour confectionner un ouvrage textile. Le visage baissé, elle s’applique à bien faire son geste. Le garçonnet est également concentré. Il s’entraîne à écrire sur un cahier. Le travail manuel comme le travail intellectuel sont ainsi valorisés par ces deux figures. L’artiste met en avant l’apprentissage d’un savoir-faire et insiste sur l’importance de l’éducation : les plus jeunes observent leurs aînés avec attention. Dans cette atmosphère paisible et recueillie, l'effort n'est pas présenté comme une corvée. Éclairé d’une douce lumière, chaque geste devient un acte sacré.
Quelques ouvrages sur le sujet
MILOVANOVIC Nicolas, Les frères Le Nain : bons génies de la sympathie humaine, Dijon, Faton, 2019.
MILOVANOVIC Nicolas, PIRALLA-HENG VONG Luc (dir.), Le mystère Le Nain, Paris, Lienart, 2017.
THUILLIER Jacques, Les frères Le Nain, inLes écrits de Jacques Thuillier, vol.4, Serge Lemoine (dir.), Dijon, Faton, 2016.