Gaspard Dughet (1615-1675)

Paysage avec chasseur

Huile sur toile,
vers 1653-1655
75,2 x 100,3 cm
Numéro d’inventaire : 2020.1.71
 

Le Paysage avec chasseur est une peinture à l’huile réalisée par Gaspard Dughet (Rome, 1615 - Rome, 1675) vers 1653-1655. Né à Rome en 1615 de parents français, il est le beau-frère et l’élève de Nicolas Poussin (Les Andelys, 1594 – Rome, 1665). Il se spécialise dans la représentation de paysages, fortement influencés par le classicisme et la vision d’une nature idéalisée développée par son maître. Il passe l’essentiel de sa carrière en Italie, où il meurt en 1675.

L’œuvre de Gaspard Dughet s’inscrit dans le renouveau du goût pour la peinture de paysage, qui s’opère à Rome durant la première moitié du XVIIe siècle. De nombreux artistes d’origines flamandes viennent s’y installer, apportant une sensibilité pour des représentations plus réalistes et pittoresques de la nature. Gaspard Dughet grandit au milieu de ces colonies nordiques, place de la Trinité. Il est par exemple le voisin de Paul Bril (Anvers, 1553 – Rome, 1626), dont il était peut-être l’élève avant d’être celui de Poussin.
 

Plus de détails sur l'œuvre dans les collections du musée du Louvre.

À partir des années 1620, le paysage remporte un important succès chez les artistes français, qui sont nombreux à effectuer le voyage à Rome. Gaspard Dughet devient l’élève de Nicolas Poussin, qui lui fait rencontrer Claude Gellée (Chamagne, 1600 – Rome, 1682), Jacques Stella (Lyon, 1596 – Paris, 1657) et Jean Lemaire (Thieux, 1597 – Gaillon, 1659). À la suite de ces artistes, il développe une peinture idéalisée de la campagne romaine, baignant dans une lumière dorée, où les hommes vivent en harmonie avec la nature.

Cette vision, inspirée par la littérature antique, et en particulier par les Bucoliques de Virgile, connait très vite un important succès chez les élites romaines. Gaspard Dughet apparait comme particulièrement populaire chez ces derniers, puisqu’il travaille à de nombreuses reprises pour des familles aussi prestigieuses que les Colonna, les Pamphilj, ou les Borghèse.

Après sa mort, Gaspard Dughet est progressivement restreint au rôle de suiveur de Nicolas Poussin. Comme son maître, il pratique le paysage « composé », partant de dessins faits sur nature, ensuite rigoureusement reconstruits en atelier. Son Paysage avec chasseur utilise certains des procédés de composition que l’on retrouve très souvent dans des peintures de Poussin ou de Claude Gellée. La composition est strictement découpée en trois parties : un premier plan qui montre sur l’un de ses côtés un arbre et au milieu un ou plusieurs personnages, un second plan où s’étendent une plaine, un lac et des bâtiments, puis un lointain où apparaissent des montagnes. Il s’agit d’un schéma que l’on retrouve notamment dans le Paysage aux deux nymphes de Poussin.
 

Gaspard Dughet partage avec Poussin l’usage d’une lumière égale, qui unifie l’ensemble de la composition. L’expression de la profondeur se fait grâce à une subtile gradation du plus foncé vers le plus clair, du premier plan jusqu’au dernier, peints dans un camaïeu de marrons et de verts. Il s’agit là d’une caractéristique essentielle du paysage dit « classique », en opposition au paysage flamand, qui présente le plus souvent des contrastes plus accentués, comme chez Paul Bril.

Dughet s’inspire aussi de Claude Gellée, dont il reprend le gout pour les jeux de contre-jours que permet un soleil placé à l’horizon. Son arbre à gauche au premier plan, masse sombre filtrant subtilement la lumière à travers le feuillage, rappelle celui du Paysage pastoral de Gellée.
 

Cependant, le Paysage avec chasseur atteste d’un style original, propre à Gaspard Dughet. Là où Poussin peuple ses paysages de figures mythologiques ou bibliques, riches d’une symbolique complexe, Dughet représente des figures détachées de tout contexte savant et affairées et à leurs tâches quotidiennes. C’est par goût pour les montagnes, les forêts et les plaines que Dughet semble attiré par la peinture de paysage. Ses biographes le présentent comme un homme appréciant le contact de la nature, et particulièrement amateur de pêche et de chasse.

La nature, chez Dughet, est plus sauvage, plus accidentée, bien loin des visions souvent idylliques de Nicolas Poussin ou de Claude Gellée. Au premier plan, un chien grimpe sur un tronc d’arbre déraciné, témoignage d’une tempête que Dughet s’est plu à peindre à différentes reprises. Dans la partie supérieure de la composition, des nuages gris, menaçant, sont peints avec une touche plus épaisse, qui rappelle la manière expressive de Titien et de Tintoret. Ces différentes caractéristiques permettent de rapprocher le style de Dughet de celui de Salvator Rosa (Naples, 1615 – Rome, 1673), autre paysagiste travaillant en Italie à la même période. Les deux se plaisent à représenter une nature parfois hostile, toujours en mouvement. Rosa accentue cependant largement ces notions, et confère à ses paysages, et aux figures qui les habitent, une dimension dramatique et angoissée.
 

À l’inverse, rien ne vient troubler les activités simples et tranquilles des personnages présents dans les tableaux de Dughet. Toujours vêtus à l’antique, paisibles et solitaires, ils vivent de ce que la nature a à leur offrir, dans un équilibre éternel qui rappelle les méditations d’Épicure, loin de celles des stoïciens ayant inspiré les tableaux de Nicolas Poussin.

Quelques ouvrages


BOISCLAIR Marie-Nicole, Gaspard Dughet : sa vie et son œuvre, 1615-1675, Paris, Arthena, 1986.

CAPELETTI Francesca, CAVAZZINI Patrizia, GINZBURG Silvia (dir.), Nature et idéal : le paysage à Rome : 1600-1650 (exposition : Paris, Grand Palais, Galeries nationales, 9 mars-6 juin 2011 ; Madrid, Museo nacional del Prado, 28 juin – 25 septembre 2011), 2011, Paris, Réunion des musées nationaux.

MÉROT Alain, Du Paysage en peinture dans l’Occident moderne, Paris, Gallimard, 2009.

LOISEL Catherine (dir.), Le paysage en Europe du XVIe au XVIIIe siècle : actes du colloque organisé au Musée du Louvre, Paris, Réunion des musées nationaux, 1995.