Atelier parisien, paire de guéridons
Vers 1665-1675
Bois et dorure
H. 138,2 x l. 49 cm
Inv. 2023.9.1.1-2
Le musée du Grand Siècle a acquis en 2023 une paire de guéridons datant des années 1665-1675 qui permet d’évoquer les intérieurs des élites au XVIIe siècle et les savoir-faire des ateliers parisiens en menuiserie et en marqueterie.
Au XVIIe siècle les intérieurs des élites se remodèlent avec une distribution repensée des pièces et un renouvellement continu des décors à la fois inspiré par l’Italie et marqué par l’affirmation d’un style français, grâce notamment au développement des manufactures royales et à l’accueil d’artisans étrangers apportant de nouveaux savoir-faire. L’organisation des appartements chez les princes et les aristocrates trahit d’abord un besoin de faste mais la quête d’un plus grand confort amène de nouvelles formes de mobilier, fauteuil, bureau, commode ou guéridon.
Les guéridons porte-torchères sont identifiés dans les inventaires à partir des années 1640 et nous informent de leur présence dans la plupart des grandes demeures parisiennes à l’image de l’hôtel Lambert en 1679, à l’hôtel de Sully en 1682 ou à l’hôtel Séguier en 1683. Si le terme désigne aujourd’hui une petite table d’appoint, le guéridon est alors un meuble haut, destiné à recevoir un flambeau ou une girandole porte-lumières, comme la paire du musée du Grand Siècle, composée d’un piétement tripode et d’un long fût soutenant un plateau octogonal. Le mot torchère se répand lui au début du XVIIIe siècle pour désigner ces tables-hautes destinées à cette unique fonction.
Les modèles les plus célèbres de l’époque sont sans doute les « grandissimes torchères » en argent massif et pesant plusieurs dizaines de kilos livrées par l’orfèvre Claude Ballin en juillet 1670 pour le Grand Appartement du château de Versailles. Elles ont disparu, comme la totalité du mobilier d’argent durant les fontes de 1689 et 1709 pour soutenir l’effort de guerre à la demande de Louis XIV. Les dessins ont été fournis par Charles Le Brun et exécutés dans les ateliers de la manufacture des Gobelins. Dans l’épisode de la tenture de l’histoire du roi, L'audience du légat : le cardinal Chigi reçu à Fontainebleau par Louis XIV (Paris, Mobilier national) une torchère en argent est présente sur le côté gauche de la composition, sur laquelle s’appuie familièrement un membre de la cour.
Ainsi, les torchères complètent l’éclairage fixe des pièces, constitué de lustres au plafond et de bras de lumière sur les murs. La grande variété de ces luminaires témoigne de l’inventivité des ateliers parisiens. Le luxe des pièces peut varier par la qualité de l’exécution comme des matériaux utilisés, bois doré, bronze, argent massif ou à partir de la fin du siècle, de pampilles de cristaux de roche. Les guéridons du musée du Grand Siècle, par leur raffinement et leur taille, indiquent qu’ils ont été créés pour une pièce de réception, antichambre, chambre d’apparat, grand salon ou galerie. Par leur format, ils peuvent être déplacés en fonction des besoins notamment pour une réception. Mais il est également possible d’en louer pour certaines occasions exceptionnelles nécessitant un éclairage généreux.
L’éclairage au XVIIe siècle est vu comme un luxe, à l’image du raffinement de cette paire de torchères, réservé aux princes et à l’aristocratie. En dehors du coût d’achat de telles pièces de mobilier, il faut également prendre en compte l’usage qu’il en est fait au quotidien. L’éclairage des intérieurs au Grand Siècle repose d’abord sur la possession de chandelles ou de bougies. Les premières sont produites avec du suif et gardent une couleur jaunâtre peu appréciée des élites. Par leur coût peu élevé, elles sont réservées aux foyers plus modestes et aux pièces de services des grandes demeures.
Les bougies en revanche sont trois à quatre fois plus chères. Elles sont produites en cire d’abeille qui garantit une bonne combustion de la mèche, peu d’odeur et surtout une flamme constante. La couleur blanche donnée par la cire est appréciée pour son évocation de la pureté. Ainsi, les autels des églises sont éclairés à la bougie. De même, le roi s’éclaire à la bougie et est suivi par les nobles comme par les bourgeois les plus fortunés du tiers-état qui s’attachent à imiter le mode de vie de l’aristocratie. L’éclairage chez soi participe de la distinction sociale dans une société où tout est symbolique, ainsi le nombre de bougies allumées dans un intérieur indique la fortune des propriétaires. Les grands appartements de Versailles marquent les visiteurs par leur éclairage à la nuit tombée où le nombre de bougies utilisées est exceptionnel et illumine certaines pièces comme en plein jour.