Jean-Baptiste Nicolas Delure (actif en 1695-1736)
Anneau équinoxial universel
Vers 1700
Laiton gravé
Ecrin d’origine en chagrin noir doublé de velours rouge
Signé « Delure à Paris »
D. 10 cm
Inv. 2022.16.2
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Acquis en 2022 par le musée du Grand Siècle, l'anneau équinoxial universel de Jean-Baptiste Nicolas Delure est un instrument scientifique permettant de calculer différentes informations spatio-temporelles. Ce modèle fait partie des anneaux à deux cercles développés au XVIIe siècle. Héritier de l'anneau astronomique d'Hipparque, mathématicien, astronome et géomètre grec du IIe siècle av. J.-C., ainsi que de la sphère armillaire, l’instrument a pris différentes formes au fil du temps, visant à simplifier son utilisation quotidienne et à améliorer sa précision scientifique. Si les premiers modèles d'anneaux astronomiques étaient en bois, certains, atteignant un diamètre d'environ 50 cm, pouvaient être fabriqués en argent doré ou, comme celui du musée du Grand Siècle, en laiton doré. Ces instruments étaient généralement constitués de trois cercles : le méridien, le cercle des heures et le cercle de déclinaison.
Au début du XVIe siècle, les anneaux équinoxiaux deviennent pliables et plus compacts. Dans son ouvrage De usu annuli astronomici, le scientifique Gemma Frisius (1508-1555) décrit notamment un modèle à quatre cercles, tandis que le célèbre cartographe et mathématicien Gérard Mercator (1512-1594) propose une version à cinq cercles, incluant celui destiné à l'horizon local.
L'anneau du musée du Grand Siècle fait partie des modèles à deux cercles, conçu par le mathématicien anglais William Oughtred (1574-1660) au début du XVIIe siècle. Ce modèle s'inspire de l'anneau amélioré par le cartographe et mathématicien anglais Oronce Fine (1494-1555), qui introduisit un dispositif de visée à pinnules permettant une lecture plus précise des angles. Le modèle a deux cercles d’Oughtred se diffusa entre 1630 et 1650 en Angleterre, puis en Europe, grâce à l’horloger Elias Allen (1588-1653), qui en créa les premiers modèles physiques utilisables.
La principale innovation de l'anneau d'Oughtred réside au centre : le troisième cercle de déclinaison a été remplacé par un nouvel axe, appelé « lame diamétrale de déclinaison solaire », « axe-style » ou « pont », qui indique les pôles de la Terre et comporte une pinnule mobile centrale. Les signes du zodiaque et les mois de l’année sont gravés sur ce pont.
Dans son ouvrage Description et utilisations de l'anneau horloger général : ou cadran-anneau universel … l'invention du défunt révérend M. W. Oughtred, publié en 1682, Henry Wynne, fabricant d'instruments mathématiques anglais, expliquait que l’objet servait principalement aux marins et voyageurs. Il indiquait l’heure, les équinoxes de fin mars et de fin septembre, le lever et le coucher du soleil ainsi que son altitude, et ce partout dans le monde. Le terme « universel » fait en effet référence à la polyvalence de l’anneau, qui pouvait être utilisé sur l’ensemble du globe, indépendamment de la position géographique de son observateur.
L'anneau équinoxial du XVIIe siècle était en effet un outil extraordinaire pour les marins, une véritable montre solaire de voyage, ingénieux, simplifié, robuste, transportable et pliable. Ces qualités étaient mises en avant par les utilisateurs et les scientifiques de l'époque, tels que le père jésuite Georges Fournier, mathématicien qui louait dans son ouvrage Hydrographie publié en 1643, la praticité de l'anneau en mer. Selon lui, il était plus facile à manier que l'astrolabe, car il ne nécessitait pas de connaissances techniques complexes, ni l’usage de règles ou de pinnules (petits rectangles perforés permettant de laisser passer les rayons du soleil).
Un autre avantage majeur de l'anneau était son orientation sans boussole et platine. Il pouvait être placé n'importe où pour obtenir des informations, suspendu à une chaîne ou rangé aisément grâce à l’écrin qui lui était associé. Cette simplicité et cette portabilité expliquent pourquoi l'anneau est resté populaire au XVIIIe siècle. Dans son Traité de Navigation de 1760, Jean-Baptiste Denoville mentionnait encore son grand usage, prouvant la longévité et l'efficacité de cet outil scientifique dans le domaine de la navigation, où il fut utilisé jusqu'au XIXe siècle.
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Le fonctionnement de l'anneau équinoxial reposait sur une mise en place précise de ses différents éléments. Pour connaître l’heure, par exemple, l’utilisateur devait d’abord déplier l’anneau et le stabiliser grâce à sa suspension. À l’extrémité de l’anneau de suspension, un curseur mobile doté d’un viseur, devait être déplacé le long du premier cercle, le cercle des latitudes, correspondant au lieu d’observation et au plan méridien de la Terre. Des villes pouvaient y être inscrites pour faciliter son usage et la rapidité d’utilisation. Les latitudes étaient généralement indiquées de 0 à 90 degrés, souvent par intervalles de dix ou cinq degrés.
Le second cercle, plus petit, devait être positionné perpendiculairement au cercle méridien afin de représenter le plan équatorial de la Terre. Ce cercle des heures, gradué des vingt-quatre heures, en chiffres romains ou arabes selon les modèles, incluait des marques pour les minutes, par intervalles de dix, offrant ainsi une précision suffisante pour une estimation générale de l’heure.
Le pont était gravé des deux côtés : l’un portait les signes du zodiaque et l’autre les initiales des mois (I.F.A.M.I. pour les mois de janvier à juin et I.A.S.O.N.D. pour ceux de juillet à décembre). L’utilisateur pouvait choisir le mois adéquat en ajustant le curseur central percé situé sur l’axe du pont. Ce mécanisme servait à déterminer la position du soleil dans le ciel en fonction de la date.
Une fois ces ajustements effectués, l’observateur devait orienter l'anneau face au soleil, de manière à ce que ses rayons traversent le trou central de l’axe-style. En ajustant les curseurs du méridien et du pont, la lumière solaire traversait le dispositif et se projetait sur les graduations du cercle des heures, perpendiculaire au méridien, indiquant ainsi l’angle horaire du soleil.
Henry Wynne précisait que l’anneau d’Oughtred, bien qu’idéal pour les marins et voyageurs, trouvait également un usage à terre, en particulier dans les cours européennes. Dès le XVIe siècle, des centres tels que la cour de Rodolphe II à Prague, avec Érasme Habermel (1538-1606), produisaient des instruments luxueux destinés à être offerts en cadeau. Dans la péninsule italienne, les Cités-États encourageaient aussi activement la fabrication d’outils sophistiqués, comme sous le mécénat des Sforza à Milan et des Médicis à Florence, où des artisans et ingénieurs comme Baldassare Lanci excellaient. En Angleterre, Thomas More avait également convié Nicolas Katzer à Hampton Court. La diversité des origines des commanditaires et des savants témoignait alors de l'enthousiasme et de l’intérêt croissant pour les instruments scientifiques.
À Paris, les ateliers se concentraient autour du quai de l’Horloge. Jean-Baptiste Delure, orfèvre renommé actif dès 1695 et auteur de l’anneau conservé au musée du Grand Siècle, dirigeait un atelier place du Marché Neuf en 1700 avant de s’installer quai de l’Horloge en 1707. Des inventeurs comme Daniel Chorez y avaient déjà conçu des instruments tels que le télescope, les binocles et les compas de proportion. Michael Butterfield (1635-1724), ingénieur du Roi, collaborait avec l’Académie sur des projets liés au château de Versailles, et produisait des instruments tels que des rapporteurs, des équerres pliables et des règles à échelles, tandis que Pierre Sevin (actif entre 1662 et 1685) excellait dans la fabrication de graphomètres d’une grande précision.
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J.-B. Nicolas Delure évoluait dans des cercles savants et artisanaux, il était notamment apparenté au scientifique Nicolas Bion (1652-1733). Dans son Traité de la construction et des principaux usages des instruments de mathématique publié en 1709, les descriptions faites par Nicolas Bion des anneaux équinoxiaux rappellent les modèles de J.-B. Delure conservés au musée du Grand Siècle et à la Bibliothèque nationale de France.
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En 1628, William Oughtred devint le précepteur des enfants du comte d'Arundel, grand mécène des arts et des sciences. Un tableau d’Anton Van Dyck représente le comte et son épouse, Alathea Talbot, en explorateurs du Nouveau Monde : le comte désigne l’île de Madagascar sur un globe terrestre, tandis que la comtesse tient un compas et qu’un anneau d’Oughtred repose sur ses genoux. Ces instruments, symboles de la connaissance et du commerce, reflètent les réseaux d’échanges européens de l’époque.
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On trouve la trace de ces réseaux d’échanges sur les anneaux équinoxiaux eux-mêmes, qui étaient gravés du nom des principales villes portuaires et économiques, témoignant de leur rôle dans le commerce et l’expansion européenne. Les latitudes inscrites sur le cercle méridien de l'anneau de la comtesse visible sur le tableau devaient ainsi être similaires à celles du modèle de J.-B. Delure conservé au musée du Grand Siècle.
Ce dernier indique également plusieurs villes portuaires et fluviales françaises comme Toulon, La Rochelle, Nantes, Bayonne, Besançon et Paris, mais aussi des villes italiennes telles que Naples et Milan, et des villes flamandes comme Anvers. Bayonne, port majeur au XVIIe siècle, prospérait grâce à son activité maritime le long de l’Adour. L’Arsenal du Roi, fondé en 1666 par Colbert, soutenait la construction navale pour les Corsaires du Roi, consolidant la ville comme un point stratégique du réseau maritime français. De même, La Rochelle jouait un rôle clé dans le commerce triangulaire, ayant participé à 447 expéditions négrières, déportant environ 160 000 Africains.
Sur l’un des côtés du cercle des heures, certaines colonies françaises sont aussi inscrites. Le Québec était une référence à la Nouvelle-France (1534-1763) tandis que la Martinique et Saint-Domingue étaient des territoires qui renforçaient l’influence française dans les Amériques et les Antilles depuis 1635 et 1697 (traité de Ryswick).
Bien qu'elle ne fasse pas partie des colonies françaises à la fin du XVIIe siècle, la présence de Madrid dans ce contexte était significative. Elle souligne peut-être les rivalités géopolitiques entre la France et l’Espagne, notamment durant la guerre franco-espagnole (1635-1659). Ces tensions culminèrent avec la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714), où la France imposa un prince de la Maison de France sur le trône espagnol, Philippe V, établissant la dynastie des Bourbons d’Espagne et marquant un tournant dans l’histoire européenne.
L’anneau équinoxial universel de J.-B. Delure est donc un témoin des pratiques scientifiques, culturelles, économiques et sociales du XVIIe siècle. Petit et simple d’utilisation, il s'est rapidement répandu dans toute l'Europe, et son utilisation s'est prolongée jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, voire dans certains cas jusqu'au XIXe siècle. Toutefois, son manque de précision par rapport aux horloges mécaniques et sa relative complexité ont sans doute entraîné son déclin. Avec l'avènement de la révolution industrielle au XIXe siècle et le perfectionnement des instruments de mesure du temps, l'anneau équinoxial a progressivement disparu.
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Bibliographie et sitographie :
- BION, Nicolas, Traité de la construction et des principaux usages des instrumens de mathematique,1709, La Haye, P. Husson, 1723.
- DENOVILLE, Jean-Baptiste, Le traité de navigation, 1760, Bonsecours, éditions Point de vues, 2008.
- DUTARTE, P., Les instruments de l’astronomie ancienne, de l’Antiquité à la Renaissance, Paris, Vuibert, 2006.
- FOURNIER, Georges, Hydrographie, contenant la théorie et la pratique de toutes les parties de la navigation…, Paris, A. Dezallier, 1679.
- MILLET, Audrey. « Tracer le monde : outils et instruments de la Renaissance aux Lumières », in Artefact, n° 4, 2016, p. 215-231.
- WYNNE, Henry, The description and uses of the general horological-ring: or universal ring-dyal Being the invention of the late reverend Mr. W. Oughtred […], University of Michigan Library Digital Collections.